Quatre ans de cinéma (1940-1944) – Lucien Rebatet

32.00

Ed. Pardès, 410 pages.

Textes réunis, présentés et annotés par Philippe d’ Hugues avec la collaboration de Philippe Billé, Pascal Manuel Heu et Marc Laudelout. Tout le monde connaît le romancier des Deux Étendards, le pamphlétaire des Décombres ou le grand historien de la musique. Mais beaucoup ignorent ou ont oublié que Lucien Rebatet, qui avait d’autres cordes à son arc, fut aussi un très grand critique de cinéma, le plus grand, selon un augure comme l’antifasciste Nino Frank. Sous son pseudonyme de François Vinneuil, longtemps plus célèbre que son nom véritable, il écrivait avant la guerre à L’Action française et Je suis partout et, sous l’Occupation, dans le même hebdomadaire. À sa sortie de prison, et jusqu’à sa mort, il reprit cette activité dans Dimanche-Matin, L’Auto-Journal et Le Spectacle du monde, notamment. L’ensemble représente une masse considérable d’articles exceptionnels qui méritent publication. Avec Quatre ans de cinéma, on a commencé par ceux de l’Occupation, à cause de l’intérêt historique de la période et de la qualité particulière de la production cinématographique d alors. C’est aussi le temps où l’influence de Rebatet est à son apogée. Il contribue plus que n’importe qui à révéler les nouveaux talents qui surgissent alors (Autant-Lara, Becker, Bresson, Clouzot, Delannoy) et à défendre, en oubliant tout clivage politique, des maîtres d avant-guerre comme Carné et Grémillon, ou de bons artisans comme Joannon, Decoin et Christian-Jaque. C est lui qui, le premier, ferraille allégrement pour imposer ces futurs classiques, souvent d’abord contestés et aujourd hui illustres: L’assassin habite au 21, Le Corbeau, Goupi Mains-Rouges, Le Mariage de Chiffon, Douce, Les Anges du péché, Les Inconnus dans la maison, La Symphonie fantastique, La Main du diable, L’Assassinat du Père Noël, Le Carrefour des enfants perdus, Pontcarral, et dix autres que dominent deux titres phares: Les Visiteurs du soir et Le ciel est à vous, chevaux de bataille du critique dans son incessant combat pour la renaissance du cinéma français. L évocation colorée pleine de passion et d animation de ces uvres, du contexte politique qui fut celui de leur apparition et de la toile de fond historique qui en constitue l’arrière-plan, les sorties virulentes contre Vichy et Londres, contre les gaullistes, les communistes et les «terroristes»; tout cela donne lieu à une fresque pleine de bruit et de fureur.

Livre de cinéma d une importance majeure, Quatre ans de cinéma offre en creux une image oblique des quatre années les plus tragiques de notre histoire. Voilà qui en redouble l’intérêt et en fait un livre capital et sans équivalent. « Il est temps de méditer ce que Rebatet-Vinneuil a pu écrire sur des films produits sous la censure de Vichy et des Allemands. (…). Il annonce, avant Bazin et les Cahiers, la ‘politique des auteurs’. Sa chasse aux navets est réjouissante. (…). Il sent ce qui cloche dans un scénario mal construit, juge sévèrement le jeu des acteurs (…), il prépare le terrain à Truffaut (qui reconnut sa dette) et je me demande pourquoi, le ‘fasciste’ bien cloué et décloué au pilori, les critiques d’aujourd’hui évitent de distinguer l’auteur de 1500 (ou 2000) chroniques de films. » (Raphaël Sorin, blogs.liberation.fr.)

« Lucien Rebatet, entre sa sensibilité à vif et ses jugements pénétrants, nous fait éprouver soixante ans après quelque chose des émotions qui l’ont transporté, lui, dans les salles obscures de ces années sombres (…). » (Joël Prieur, Minute.)

– « Voilà une très belle découverte (…). » (L. Maubreuil, Éléments.)

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